Une photo en l’honneur du sujet… allons
savoir…
Trashy burger- Photo; Pinterest- The vulgar chef |
J’entends des
bruits, j’entends de cris, des rugissements et des sifflements. Dans cette
jungle où tout paraît permis et où on croirait que préside la loi du plus fort,
l’univers des médias de la bouffe est devenue plus éclatée, dispersée et morcelée. Les divers rois de leur propre tribune, les blogueurs, chroniqueurs et autres
protagonistes de la restauration et de la ripaille sont dans une lutte sur le
web pour gagner leur part du lectorat. Je fais une montée de lait? Certainement
pas. Seulement, ce n’est pas sans émotion que j’aborde ces premières lignes.
Mettons la
table.
L’entrée avant le plat principal
L’amorce de la
présente réflexion, je la dois à David McMillan, copropriétaire du fameux restaurant
Joe Beef. Il a mis, la semaine dernière, sur Twitter le texte Problems with food
media du site First we feast. Le
constat est clair. Nous nageons en pleine dérive médiatique dans la sphère
gastronomie. À commencer par le top 10 du meilleur hamburger qui, franchement,
n’est que l’agglomération de résultats de recherche Google. Quel est l’intérêt?
Ces palmarès banals n’apportent rien de plus que de résumer ce qui se trouve
dans les deux premières pages du moteur de recherche. Il y a aussi ces starlettes
autoproclamées écrivant combien elles sont fières d’avoir un extra envoyé par
le chef à leur personne-même, maison offrant. Félicitations pour ton influence
dans la blogosphère. Merci de cette profondeur, cet égo journalistique.
Dans la faune gastronomique
À l’image de la cuisine, peut-être faut-il plus
de qualité et moins de quantité? On demande aux chefs et restaurateurs de
toujours faire mieux et ce, malgré que la plupart des plumes de la gastronomie
qui restent mainstream. Est-ce égal? Paradoxalement,
les écrivains de la bonne chère ont peur d’être jetés en dehors du cosme de la
restauration, d’être sur la liste noire des exclus. Pourtant, bien des maîtres
d’hôtel soupirent quand ils appellent pour réserver. « Bonjour, je suis
untel blogueur, j’ai 10 000 followers,
alors je veux le souper à 50% s.v.p. ». Où est passée la place de l’éthique?
Oui, l’éthique, gardienne des valeurs et des normes, garde-fou des écarts,
surtout quand nos écrits sont publics. La vérité réside dans le fait que le
journalisme doit révéler les faits et non permettre de se cacher dans des
écrits superficiels.
First we feast relate dans son article
que trop souvent, on ne racontera le peu de confort qu’offrent les chaises ou
bien encore qu’un certain restaurant dont tout le monde parle n’était pas à la
hauteur d’une telle réputation. Je me retiens d’en nommer, ce n’est pas l’objet
ici, ni mon style. J’ai toujours primé la qualité du texte et le sujet. À la
place, beaucoup écrivent comme si elles disséminaient des pépites de faux or,
dont le seul intérêt est d’en faire miroiter le pâle reflet de contenu glamour. Le but? Faire grimper le nombre
de lecteurs. Dans mon cas, j’ai choisit de ne pas publier sur ce que je ne
recommanderais pas. Je ne fais pas de l’hypocrisie journalistique, mais du mutisme.
Choix personnel. La cacophonie du gourmand s’amplifie à mesure de la recherche
pour le trafic web et la notoriété. Mes lecteurs me sont fidèles, même sans
coup d’éclat. Cela motive à écrire autant qu’un chiffre qui est, comme l’argent,
pour le seul montant, on n’en a jamais assez. Cela ne m’a pas empêché d’avoir
des milliers de lecteurs sur Chroniques Gourmandes
Montréal et TourismExpress la
relève. La satisfaction d’écrire, par exemple un blogue, devrait passer par
la plaisir de communiquer, de partager ses passions, l’amour du partage. Nous
sommes au service du lecteur et non le contraire. Le message d’abord et non une
tribune de l’égo. Le public mérite mieux, plus profond.
Écrire peut être
plus démocratique que seulement être la chasse gardée des journalistes
professionnels. C’est bien ainsi, mais chacun a le devoir, comme communicateur,
de se poser la question; qu’est-ce que j’apporte au discours gastronomique?
Vivement la liberté d’expression, mais pas au point d’assurer une certaine
expertise. Ou encore on parle en bien des restos qui ne sont même pas ouverts (HeatMap
de Eater). Voilà comment perdre le lecteur. Trop de choix tue le choix. La
pléthore d’amants des lettres de la fine cuisine ont déjà perdu l’intérêt du
lectorat où celui-ci se perd dans une mer d’informations de peu de substance et
dont les sujets inondent les esprits. Avez-vous entendu parler du dernier beigne
de chez truc-machin-chose?
Dans une autre
catégorie, nous trouvons les magazines culinaires. J’en avais parlé dans un précédent
article de décembre 2014, citons les recettes de poutine du journal 24h ou
plus largement ici, les articles édulcorés de ces magazines. Il y a les
photos de faux party qui ont l’air si incroyablement amusants dans la cour
arrière de chez Ricardo et les recettes dont les photos des plats offrent au lecteur
des images si parfaites que n’importe qui se trouverait médiocre en comparant
sont plat à celui photographié. Le tout, dans de la vaisselle vintage sur des
planches de bois blanc vieilli. Oups, c’est vrai, j’ai vu que ce type de bois n’est
plus à la mode dans le monde du stylisme culinaire cette année. Pour moi, cela
subsiste en un succédané de la même lignée, fois après fois. Oui c’est
magnifique, mais loin de la réalité.
J’ai pouffé de
rire au Bye-Bye de Radio-Canada lorsque j'ai écouté la parodie de Trois fois par jour. On
sentait le malaise face au vide que les concepteurs télévisuels ont voulu nous
transmettre. J’ai même un ami qui a fait un lapsus, il a dit « trois fois
rien », sans même y penser. Je ris dans un esprit critique. Le public n’est
pas dupe de ce qu’on lui sert, il sait reconnaître le creux. Avant, certains s’offusquaient
de ma critique envers Marilou et son mari. Maintenant, beaucoup moins. Je ne
pourrais finir sur le cas des magasines sans parler, tel que First we feast le fait, des 100 façons
(ou bien sans façon!) de se faire une rôtie de pain beurrée à l’avocat.
Typique. Banal. Next!
Ai-je vraiment
besoin de parler des émissions de cuisine actuellement à la télé? De l'apothéose du ridicule dans Recettes Pompettes?
L’entremets
Le présent
article a vraiment pris vie dans mon esprit alors que j’ai lu Death of
expertise par Tom Nichols dans The Federalist. Cet article stipule que
trop de gens se proclament connaissants d’un domaine. Cependant, l’habit ne fait
pas le moine, encore faut-il que ce soit plus qu’un costume. La vraie expertise
réside dans la connaissance qui dépasse largement les recherches Google et les
définitions Wikipédia. Ce qui est dommage, c’est la perte d’intérêt pour les
vraies questions dans les écrits gastronomiques. Nommons la traçabilité, le
vrai terroir, la gouvernance alimentaire, les marchés publics, l’alimentation
et bien plus encore. Nous pourrions être surpris de l’impact transformationnel
de certains textes sur les faits alimentaires. Ce n’est point possible avec les
sujets de surface.
Je prends l’exemple
des Ateliers de l’honnête
volupté qui regroupe chaque mois cet hiver des chercheurs, des
professionnels de l’alimentation et des amoureux de la gastronomie pour écouter gratuitement des conférences sur de passionnants sujets. Voilà la vraie
expertise. De la profondeur dans le discours gastronomique.
La cerise sur le sundae
Ma vision sur la
question s’est affinée avec, finalement, la lecture de Séduire par les mots de
Jean Dumas, professeur de communications et relations publiques à l’Université
de Montréal. Je résumerai que pour des communications efficaces, il faut être
accueilli, être entendu. Ce que M. Dumas appelle la langue de bois relate
comment éviter ce style vide et édulcoré par des mots d’alliance creuse et
artificielle. Le message doit donc être de substance. Le lien avec le présent
va de soi. Inutile d’aller plus loin.
Sommes-nous à l’âge
d’or des écrits gourmands? Je ne crois pas. À mon avis, nous l’avons dépassé. J’espère
qu’une certaine perte d’intérêt public en la matière découragera les écrivains
seulement en quête de statistiques de lectorat et qu’il y aura moins de forme
et plus de fond.
Je vous remercie
une fois de plus de votre constance, cher lectorat, cela me donne toujours plus envie me dépasser pour vous offrir des sujets variés et je l’espère,
intéressants. Les faits alimentaires sont riches d’apprentissages et d’émerveillement.
Il faut seulement savoir dans quel champ cueillir ses fleurs.
Amicalement,
Rémy M. Gagnon
Étudiant au
B.A.A. en gestion du tourisme et de l’hôtellerie, ESG-UQAM et ITHQ